Noël, Pâques, anniversaire de l’entreprise ou de la collectivité, salon professionnel : dans le monde du travail, les occasions d’offrir et de recevoir des cadeaux sont nombreuses. Mais un collaborateur peut-il accepter un cadeau offert par un fournisseur ? Comment distinguer le geste commercial de l’acte intéressé ? En France, la loi reste floue en la matière. Si elle autorise tacitement les cadeaux d’affaires, elle sanctionne sévèrement la corruption. Alors un salarié d’entreprise ou un agent de collectivité risque-t-il la faute grave et le licenciement en acceptant un cadeau professionnel ? Décryptage de la loi et des recommandations de l’Agence Française Anticorruption (AFA) pour maîtriser le risque de corruption.
Cadeau d’un fournisseur : comment distinguer pratique commerciale et corruption ?
L’Agence Française Anticorruption (AFA) considèreles cadeaux comme « des actes ordinaires de la vie des affaires (qui) ne constituent pas, en tant que tels, des actes de corruption » (1). En France, les cadeaux de la part des fournisseurs sont ainsi reconnus comme une pratique courante et autorisée … à condition de respecter certaines limites, au risque de basculer du côté obscur de la corruption. La justice se base couramment sur trois critères pour établir le fait de corruption.
Critère n°1 : la finalité du cadeau fournisseur
Dans son guide de recommandations, l’AFA précise qu’accepter un cadeau professionnel constitue un acte de corruption dès lors que le cadeau sort du cadre de la relation d’affaire et a « pour finalité de déterminer l’accomplissement ou le non-accomplissement d’un acte par une personne » (1).
En d’autres termes, s’il existe une contrepartie au cadeau d’un fournisseur, c’est un acte de corruption. La contrepartie peut être l’obtention d’un marché public, d’un contrat commercial, d’un emploi, d’un logement, d’une place en crèche ou de tout autre avantage.
Dans tous les cas, un salarié ou un fonctionnaire ne doit jamais accepter un cadeau d’un fournisseur s’ils sont en négociation pour un contrat.
Critère n°2 : la valeur du cadeau fournisseur
La valeur du cadeau d’affaires ne doit pas être disproportionnée. Mais quelle est la valeur acceptable d’un cadeau offert par un fournisseur ? La loi est silencieuse sur cette question. Pour maîtriser le risque de corruption, l’AFA encourage les organisations publiques et privées à fixer la valeur maximale des cadeaux reçus qu’elles autorisent.
En l’absence de règle légale, la pratique tend à fixer la limite acceptable autour de quelques dizaines d’euros.
Critère n°3 : la fréquence des cadeaux fournisseur
Un même collaborateur reçoit plusieurs cadeaux par an d’un même fournisseur ? Même si leur montant est modique, la récurrence fait peser un soupçon de corruption.
Pour éviter tout litige en l’absence de législation claire, l’AFA incite aussi les entreprises et collectivités à réglementer le nombre maximal de cadeaux d’affaires reçus par un même collaborateur d’une même société sur une période donnée.
Accepter le cadeau d’un fournisseur : les règles tacites
Un salarié ou agent public peut-il accepter le cadeau d’un fournisseur ? Si vous êtes concerné, votre premier réflexe doit être de vous référer à la politique cadeaux et invitations de votre entreprise ou collectivité. En l’absence de règles, quatre questions aident à prendre la bonne décision. Dans tous les cas, vous devez toujours informer votre hiérarchie et/ou l’équipe conformité.
Se référer au code de conduite interne
Au-delà de 500 collaborateurs et d’un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, la loi Sapin 2 oblige les entreprises et établissements publics à définir un code de conduite interne. Ce document illustre et fait connaître « les comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption et de trafic d’influence ». En matière de cadeaux d’affaires, le code de conduite interne détermine a minima la nature, la valeur et la fréquence acceptables des cadeaux.
En communiquant les règles relatives aux cadeaux reçus et offerts, l’organisation limite le risque de corruption et prévient les choix douteux de ses salariés et agents. C’est pourquoi l’AFA enjoint toutes les entreprises et collectivités non soumises à la loi Sapin 2 à édicter aussi leur code de conduite interne. Le défi ? Rester assez souple pour maintenir de bonnes relations avec les fournisseurs, mais suffisamment strict pour anticiper toute tentative de corruption.
Quatre questions en l’absence de règlement intérieur
L’AFA a dressé une liste de questions pour guider le collaborateur en l’absence de code de conduite interne ou de politique cadeaux et invitations :
- « Prendrais-je la même décision si je n’acceptais pas le cadeau de mon fournisseur ? »
- « Le cadeau est-il de nature à affecter l’exercice de mes fonctions ou à porter atteinte à la réputation de mon entreprise ou de ma collectivité ? »
- « Est-ce que la valeur, la nature ou la fréquence des cadeaux offerts m’embarrassent ? »
- « Le cadeau d’affaires est-il offert en vue d’obtenir une contrepartie ? »
Si une réponse est positive, le collaborateur doit refuser le cadeau, quelle que soit sa valeur. Accepter le cadeau pourrait être assimilé à un acte de corruption passive.
Le cadeau fournisseur dans la fonction publique
Dans son guide « Agents publics : les risques d’atteintes à la probité concernant les cadeaux et invitations », l’AFA invite les fonctionnaires à refuser par principe le cadeau d’un fournisseur au nom des principes déontologiques de la fonction publique : la dignité, l’impartialité, la probité et la neutralité.
Les salariés sont aussi encouragés à refuser tout cadeau offert par un agent public.
Des exceptions sont néanmoins autorisées, en fonction des circonstances et des fonctions exercées, et en informant obligatoirement la hiérarchie.
Accepter un cadeau fournisseur constitue-t-il une faute professionnelle ?
Un salarié ou un fonctionnaire reconnu coupable de corruption active ou passive encourt des sanctions administratives, pénales et financières. Toute violation du règlement interne constitue aussi une faute grave pouvant conduire au licenciement et la révocation.
Les sanctions contre la corruption
La loi Sapin 2 punit tout collaborateur reconnu de corruption active ou passive. Ce dernier encourt une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement de l’entreprise ou la révocation de la fonction publique.
Le Code pénal prévoit une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende. La sanction monte à 10 ans de prison et 1 000 000 d’euros d’amende lorsque la corruption implique un agent public.
De leur côté, l’entreprise et la collectivité subissent des sanctions commerciales et administratives, comme l’annulation d’un contrat ou d’un marché public. La condamnation d’un collaborateur porte atteinte à la réputation et réduit la confiance des clients, administrés et partenaires.
Les sanctions en cas de violation du code de conduite interne
Même si le fait de corruption n’est pas reconnu, la jurisprudence a sanctionné à plusieurs reprises des salariés ayant accepté des cadeaux d’affaires en violation des règles fixées par leur employeur.
En 2013, la Cour d’Appel de Versailles a justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant accepté un cadeau d’une valeur de 2 500 euros alors que le règlement intérieur fixait une limite à 150 euros (CA Versailles – 12 mars 2013 – n°11/04740).
En 2020, la Cour d’Appel de Versailles a validé le licenciement pour faute grave d’une salariée ayant demandé la livraison de cadeaux fournisseurs à son domicile. Outre le dépassement de la valeur maximale des cadeaux autorisée par l’employeur, la livraison à domicile a joué en la défaveur de la salariée. La justice a considéré qu’elle marquait un manque de transparence et une tentative de dissimulation (CA Angers – décision n°18/00395 – 29 mai 2020).
Accepter le cadeau d’un fournisseur est autorisé sous conditions. Toute entreprise ou collectivité peut maîtriser le risque de corruption en clarifiant sa politique cadeaux et invitations. Il s’agit a minima de déterminer la valeur et la fréquence maximales des cadeaux reçus et offerts et d’assurer leur traçabilité dans un registre des cadeaux. Digitaliser le suivi anticipe les dérives et facilite les contrôles. Utiliser le module Cadeaux et Invitations développé par Values Associates simplifie et personnalise le pilotage et le contrôle de vos cadeaux d’affaires, en conformité avec les exigences de la loi Sapin 2.
(1) Guide AFA« La politique cadeaux et invitations dans les entreprises, les EPIC, les associations et les fondations »