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Article 17 de la loi anticorruption Sapin 2 : décryptage pour les acteurs économiques privés et publics

  • 21.02.2023

Publiée en 2016, la loi Sapin 2 est née de la volonté de l’État de renforcer la lutte contre la corruption en France. Loi fleuve, elle se décline en 169 articles relatifs à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie publique. Au cœur du dispositif : les acteurs économiques, placés en première ligne du combat contre le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds ou le favoritisme. Les obligations anticorruption qui leur incombent sont synthétisées en un seul article : l’article 17. Lecture de la loi point par point.

Numéro I. : quels acteurs privés et publics sont concernés par la loi Sapin 2 ?

Le I. de l’article 17 formule quels acteurs sont concernés par la loi Sapin 2, avec l’obligation de déployer des mesures internes de lutte contre la corruption. Il s’agit précisément :

  • Des sociétés employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. Les obligations portent à la fois sur la société mère, ses filiales et les sociétés qu’elle contrôle.
  • Des établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe public dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.

Les obligations s’adressent directement aux présidents, directeurs généraux et gérants de ces entités. L’article 17 précise que ce sont les dirigeants qui sont reconnus comme responsables de la lutte contre la corruption. Précisément, ce sont eux qui « sont tenus de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence selon les modalités prévues au II. » Ils encourent des sanctions financières en cas de non-respect des obligations de mise en conformité anticorruption de la loi Sapin 2.

Mot à mot, la loi précise que sont aussi concernés « les membres du directoire des sociétés anonymes régies par l’article L. 225-57 du code de commerce et employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. »

Numéro II. : quelles sont les mesures anticorruption que les acteurs privés et publics doivent mettre en œuvre ?

Le II. de l’article 17 détaille les huit mesures – encore appelées piliers – que les entités concernées doivent déployer en interne pour être en conformité avec la loi Sapin 2. Elles doivent ainsi mettre en place :

  • Un code de conduite interne : il définit et illustre les comportements caractéristiques de faits de corruption ou de trafic d’influence, à proscrire au sein de l’organisation. Intégré au règlement intérieur, il doit faire l’objet d’une consultation auprès des représentants du personnel.
  • Un dispositif d’alerte interne : cette procédure vise à recueillir en toute confidentialité les signalements émanant du personnel, relatifs à l’existence de comportements contraires au code de conduite.
  • Une cartographie des risques : actualisée régulièrement, la cartographie des risques identifie, analyse et hiérarchise les risques de corruption auxquels l’entité peut être exposée. Le recensement tient compte des secteurs d’activités et des zones géographiques dans lesquels elle exerce son activité.
  • Une évaluation de la situation des tiers : il s’agit d’évaluer l’intégrité des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires et les risques de corruption auxquels l’entité pourrait être exposée par leur biais.
  • Des procédures de contrôles comptables, internes ou externes : l’objectif est de s’assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence. 
  • Un dispositif de formation : il permet de sensibiliser aux risques de corruption et de trafic d’influence les cadres et personnels les plus exposés.
  • Un régime disciplinaire : proportionné et gradué, il vise à sanctionner les collaborateurs en cas de violation du code de conduite interne.
  • Un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures anticorruption mises en œuvre.

La loi rappelle que la responsabilité est portée par les dirigeants en tant que personnes physiques, mais aussi par l’entité en tant que personne morale.

Numéro III. : qui contrôle le respect de la mise en œuvre d’un dispositif anticorruption ?

Le III. de l’article 17 précise que c’est l’Agence française anticorruption (AFA) qui a l’autorité de contrôler le respect de la mise en place des mesures et des procédures de lutte contre la corruption détaillées dans la loi.

La procédure de contrôle est détaillée dans un autre article de la loi Sapin 2 : l’article 4. Celui-ci précise les modalités de contrôle sur pièces et sur place, exercé par des agents habilités. Ceux-ci sont soumis au secret professionnel. Toute tentative d’entrave à leur action est punie de 30 000 euros d’amende.

Le contrôle donne lieu à la rédaction d’un rapport. Il retranscrit toutes les observations de l’AFA portant sur la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption déployé au sein de l’entité contrôlée. Le cas échéant, l’AFA émet des propositions et recommandations afin d’améliorer les procédures existantes.

Numéro IV. : quelle est la procédure de sanction en cas de non-respect des obligations de la loi Sapin 2 ?

Le IV. porte sur les sanctions en cas de non-respect des obligations de la loi Sapin 2. L’Agence Française Anticorruption dispose d’une échelle de trois sanctions, proportionnées à la gravité des manquements constatés. Après avoir offert au dirigeant la possibilité de répondre aux conclusions du rapport, le directeur de l’AFA peut soit :

  • Adresser un avertissement aux dirigeants de la société.
  • Saisir la commission des sanctions de l’AFA afin d’enjoindre à la société et à ses représentants d’adapter, de déployer ou de renforcer les procédures internes de mise en conformité.
  • Saisir la commission des sanctions de l’AFA pour infliger une sanction pécuniaire.

Numéro V. : quelles sont les sanctions en cas de manquement aux obligations anticorruption ?

Le V. de l’article 17 formalise les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations de la loi Sapin 2.

Concernant l’injonction, le texte précise que l’entité doit respecter les recommandations du rapport de contrôle de l’AFA pour adapter ses procédures de prévention et de détection des faits de corruption ou de trafic d’influence. Le délai de mise en conformité est fixé par l’agence de contrôle et ne peut excéder trois ans.

Concernant la sanction financière, le V. précise les montants. L’amende ne peut excéder 200 000 euros pour une personne physique et un million d’euros pour une personne morale. Elle est déterminée en fonction de la gravité des manquements concernés. L’AFA doit aussi prendre en compte la situation financière de la personne morale ou physique sanctionnée. L’amende est versée au Trésor Public et recouvrée comme « créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine ».

L’article 17 laisse la possibilité à la commission des sanctions de décider ou non de rendre publique la sanction. Les modalités de publication sont déterminées par l’agence et les frais éventuels payés par la personne sanctionnée.

Les décisions de la commission des sanctions doivent être motivées. La personne physique ou morale concernée doit impérativement avoir été entendue au préalable ou, à défaut, dûment convoquée.

Les derniers points VI. et VII., très courts, apportent encore deux précisions sur les sanctions. Le grand VI. clarifie les conditions de prescription de l’action de l’Agence française anticorruption. Précisément, il est indiqué qu’elle « se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été constaté si, dans ce délai, il n’a été fait aucun acte tendant à la sanction de ce manquement. »

Le grand VII. précise que les recours qui peuvent être formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction, c’est-à-dire formulés devant un tribunal administratif.

Le périmètre des obligations anticorruption dans le cadre de la loi Sapin 2 est résumé en un seul article : l’article 17. En une soixantaine de lignes, il précise qui est concerné, les mesures à mettre en place, les modalités de contrôle et les sanctions.

Pourquoi parle-t-on de loi Sapin 2 ?

La loi Sapin 2 est la grande sœur de la loi Sapin 1, promulguée le 29 janvier 1993 par le ministre du même nom, Michel Sapin. La loi Sapin 2 élargit et renforce le premier dispositif anti-corruption mis en place par la loi Sapin 1. Ce dernier, moins ambitieux, était centré sur la corruption politique et publique. La loi Sapin 2 innove en mettant les entreprises au cœur de la lutte contre la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds ou le favoritisme. C’est l’article 17 qui encadre précisément leurs obligations anticorruption qui se traduisent en interne par la mise en place d’un programme dit de mise en conformité.

Pour aider les acteurs privés et publics dans leur mise en conformité, Values Associates propose un logiciel dédié à la loi Sapin 2, à découvrir ici !

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