Tout fonctionnaire peut être confronté dans sa vie professionnelle à un tiers qui lui propose un cadeau ou une invitation. Commet-il une faute éthique ou légale s’il l’accepte ? Cela s’oppose-t-il aux principes déontologiques auxquels il est soumis ? Encourt-il une sanction disciplinaire, voire pénale ? L’Agence Française Anticorruption (AFA) répond à ces questions dans son guide « Agents publics : les risques d’atteintes à la probité concernant les cadeaux et invitations ». Si l’AFA tend à recommander aux agents publics une règle stricte de refus, le contexte peut autoriser à accepter le cadeau, sous conditions.
Fonction publique : dans quels cas refuser les cadeaux ?
En France, aucun texte n’encadre la question des cadeaux et invitations dans la fonction publique. La loi Sapin 2 ne donne aucune directive aux fonctionnaires quant au bon comportement à adopter en la matière. S’il convient d’examiner le contexte au cas par cas, l’Agence Française Anticorruption (AFA) émet dans un guide dédié aux agents publics une recommandation stricte : refuser le cadeau par principe.
La recommandation générale : refuser par principe les cadeaux
Au début de son guide, l’Agence Française Anticorruption (AFA) annonce clairement la couleur : un agent public devrait refuser par principe tous cadeaux offerts par un tiers, quel que soit le contexte.
Accepter un cadeau ou une invitation porte en effet atteinte aux principes de déontologie auxquels les fonctionnaires sont soumis : la dignité, l’impartialité, l’intégrité et la probité. À ce titre, un agent ne doit pas commettre un fait qui compromet son honneur et sa dignité, ni ceux de la fonction publique. Il doit aussi agir sans faire prévaloir ses propres intérêts ou ceux d’un tiers sur les intérêts des autres. Cette déontologie s’applique aux fonctionnaires aussi bien dans l’exercice de leurs missions qu’hors service. L’objectif de ces obligations statutaires encadrées par le Code général de la fonction publique ? Garantir l’égalité et la neutralité du service public.
Fonctions à hauts risques : refuser systématiquement les cadeaux
Dans son guide, l’AFA reconnaît l’acte de corruption dès lors qu’un cadeau ou une invitation a « pour finalité de déterminer l’accomplissement ou le non-accomplissement d’un acte par une personne ».
L’agence préconise donc que tous les agents exposés au risque de corruption ou de trafic d’influence refusent systématiquement les cadeaux et invitations. De nombreux fonctionnaires sont concernés, notamment :
- Les agents publics en contact avec les usagers et en proximité avec le secteur privé.
- Les agents publics dont la mission consiste à prendre des décisions relatives à un tiers (attribution de logements, d’aides, de subventions, d’agréments, de places en crèche, de marchés publics, de visas…)
- Les agents publics exerçant des missions d’inspection et de contrôle.
- Les agents publics maniant de l’argent public (régies)
- Les agents publics exerçant une fonction juridictionnelle ou de maintien de l’ordre.
En cours de procédure : refuser automatiquement les cadeaux
L’AFA recommande également aux acteurs publics de poser un principe de non-acceptation des cadeaux et invitations dès lors qu’une procédure sensible est en cours.
À de nombreuses reprises, la jurisprudence a validé le licenciement d’agents publics ayant reçu des contreparties pour influer sur les marchés publics. Carte d’essence, argent, voyage… : dès lors qu’il y a la volonté d’obtenir une faveur, la valeur du cadeau n’entre pas en ligne de compte dans le jugement. En 2004, la Cour de cassation a confirmé que de « menus cadeaux » suffisaient à caractériser la corruption (Cour de Cassation Chambre Criminelle – 10 mars 2004, n° 02-85.285).
Quand un fonctionnaire peut-il accepter un cadeau ?
Si l’AFA est sévère concernant les cadeaux et invitations, elle ouvre néanmoins la porte à des exceptions. Un agent public peut accepter un cadeau ou une invitation dans l’exercice de ses missions en fonction des circonstances età une condition : obtenir l’autorisation préalable de sa hiérarchie.
Clarifier les règles d’acceptation des cadeaux dans la fonction publique
Hors procédures et hors fonctions à hauts risques, le cadeau offert par un tiers peut être accepté, à condition de respecter trois limites :
- Prouver que le cadeau n’est pas offert en échange d’une contrepartie.
- Représenter une faible valeur monétaire, en tenant compte du cumul éventuel de cadeaux.
- Respecter une fréquence acceptable.
La loi ne fixe aucune règle concernant les seuils acceptables des cadeaux et invitations. Les organisations publiques peuvent se référer aux pratiques de leurs homologues en la matière.
Dans son guide, l’AFA invite chaque collectivité et établissement public à formaliser et communiquer ses règles auprès de ses agents dans un code de conduite interne, inspiré de la cartographie des risques de corruption.
Construit avec les représentants du personnel, ce document recense les scénarios de risque, fixe les principes de conduite et définit les procédures hiérarchiques de validation. Les règles peuvent être variées au regard de la diversité des fonctions, des agents et des missions.
Pour affirmer le principe de transparence de la fonction publique, ce code de conduite peut être associé à la tenue d’un registre des cadeaux et invitations acceptés et refusés, d’un système de déclarations sur l’honneur individuelles et annuelles de non-acceptation ou d’un guide de sensibilisation.
Le cas particulier des missions de représentation et de protocole
Les occasions d’être invité à déjeuner peuvent être nombreuses dans le cadre de certaines missions de service public. Dans son guide, l’AFA reconnaît qu’un agent public peut les accepter, mais à une condition : les repas doivent être offerts dans le cadre d’une mission de représentation ou en marge d’une rencontre (instance de gouvernance, colloque, réunion d’experts…) Les invitations sont tracées dans les ordres de mission. Dans tous les cas, les invitations à déjeuner doivent par principe être refusées pendant l’instruction d’un dossier.
Dans ses recommandations, l’AFA admet également l’usage de cadeaux dans le cadre des relations protocolaires. Elle précise néanmoins que leur valeur doit rester symbolique (boîtes de chocolat, stylos, livres…) et qu’ils ne doivent en aucun cas induire une potentielle contrepartie.
Quelles sanctions pénales et disciplinaires en cas de corruption dans la fonction publique ?
Accepter un cadeau ou une invitation en échange d’une contrepartie constitue un acte de corruption passive. Si l’agent corrompu use de son influence pour pousser une personne ou une autorité à prendre une décision, c’est du trafic d’influence actif.
Les sanctions disciplinaires
La corruption, le favoritisme et le trafic d’influence constituent des fautes graves. De la révocation à la mise en retraite d’office, les sanctions disciplinaires sont sévères.
À de nombreuses reprises, le juge administratif est intervenu pour valider la révocation de fonctionnaires ayant accepté des cadeaux et invitations en échange de contreparties.
Le guide de l’AFA l’illustre à travers plusieurs exemples : un contrôleur des douanes révoqué pour avoir bénéficié d’un voyage tous frais payés d’un opérateur économique placé sous son contrôle ; un agent des impôts révoqué pour avoir accepté 1 000 euros pour réduire des pénalités de retard ; un commandant de police mis à la retraite d’office pour avoir délivré des visas en échange de cadeaux ; une aide-soignante révoquée pour avoir accepté le bénéfice d’un contrat d’assurance-vie ; etc.
Les sanctions pénales
Les manquements au devoir de probité, la corruption passive, le trafic d’influence passif ou le favoritisme sont des délits sévèrement réprimés par le Code pénal dans ses articles 432-10 à 432-16.
La corruption est passible de dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 euros d’amende. Le délit d’octroi à autrui un avantage injustifié est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende.
En pratique, les peines sont souvent plus réduites mais elles bouleversent la vie d’un agent public. Pour exemple, début 2024, cinq ans de prison et 50 000 euros d’amende ont été requis contre une agente réclamant de l’argent et des cadeaux pour faciliter l’accès aux logements sociaux. Un ex-agent de la Préfecture a aussi été condamné à trois ans de prison et 15 000 euros d’amende pour avoir aidé au séjour irrégulier de demandeurs d’asile contre rétribution financière.
Les sanctions administratives
En cas de corruption ou de trafic d’influence, l’organisation publique peut aussi subir des sanctions administratives. L’acceptation par un agent d’un cadeau en cours de procédure fait courir un risque d’annulation des contrats, décisions et marchés publics.
La fonction publique répond à une déontologie contraignante, basée sur la probité, l’égalité et la transparence. Dans son guide, l’AFA préconise le refus par principe des cadeaux et invitations. Mais la courtoisie, le protocole ou des motifs professionnels peuvent mettre les agents publics en position délicate. Clarifier la politique cadeaux et invitations lève les ambiguïtés et protège l’administration et les agents publics des risques de corruption et de sanctions. La diversité des fonctions, des contextes et des tiers exige des règles adaptées et proportionnées. Dans ce contexte sensible, le recours à un outil digital offre un pilotage rigoureux du suivi et du contrôle des cadeaux et invitations. 100 % souple et personnalisable, le module Cadeaux et Invitations développé par Values Associates vous permet de maîtriser le risque de corruption dans votre organisation publique, en conformité avec les exigences de la loi Sapin 2.