La loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie publique a été promulguée le 9 décembre 2016. Ses dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2017.
La France fait alors l’objet de nombreuses critiques, aussi bien au niveau national qu’à l’international. La politique anticorruption de l’Hexagone est jugée insuffisante. Texte fleuve de 169 articles, la loi Sapin 2 entend « mettre la France au niveau des meilleurs standards internationaux dans le domaine de la transparence et de l’action contre la corruption », selon les mots du ministre français de l’Économie et des Finances de l’époque Michel Sapin. Retour sur cette loi ambitieuse et le contexte de sa naissance.
Pourquoi la loi Sapin 2 ?
Au début des années 2010, pression mondiale, critiques européennes et nationales se conjuguent pour pousser sur le devant de la scène la question de la politique anticorruption de la France. Michel Sapin, déjà porteur de la loi Sapin 1, reprend ainsi son propre flambeau pour élaborer une législation plus contraignante.
Une volonté d’apaisement
En France, malgré la loi Sapin 1, les affaires politico-économico-financières ne cessent d’occuper le devant de l’actualité. Affaire Clearstream, affaire des frégates de Taïwan, affaire Elf, affaires Serge Dassault, affaire EADS, affaire Total… : la liste des scandales impliquant entreprises, hommes d’affaires et politiques français est longue.
Né en mars 2016, le mouvement Nuit Debout s’empare, entre autres, de la question de la corruption des élus. En octobre 2016, dans le cadre du lancement de la campagne présidentielle, l’ONG internationale Transparency France publie un sondage révélateur : 57 % des Français estiment que les personnes exerçant du pouvoir sont corrompues. En ligne de mire : les députés, le pouvoir exécutif national ou encore les dirigeants des grandes entreprises, considérés corrompus respectivement à 77 %, 72 % et 71 %. Parmi les mesures proposées par l’ONG, l’encadrement du financement de la vie politique française est jugé comme une mesure efficace par 82 % des sondés et l’encadrement du lobbying par 79%.
Un engagement dans le mouvement anticorruption mondial
Au niveau international, le contexte est aussi tendu. En avril 2016, le monde est éclaboussé par l’affaire des Panama Papers. La fuite publique de 11,5 millions de documents confidentiels révèle des informations sur plus de 214 000 sociétés offshore ainsi que les noms des actionnaires. Ces sociétés sont connues pour être utilisées comme sociétés écrans dans l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent.
Dans ce contexte se déroule à Londres, le 12 mai 2016, le premier sommet international contre la corruption. Jusqu’alors classée parmi les mauvais élèves de l’Europe en matière de lutte contre la corruption, la France entend bien redorer son blason et, comme l’exprime alors Michel Sapin, « démontrer notre engagement collectif pour promouvoir une nouvelle ère de transparence. Pour lutter efficacement contre la corruption internationale, il faut « exposer » la corruption, il faut « exposer » les flux financiers qui cherchent à se cacher. » C’est en 2016 aussi qu’est signée la première Déclaration mondiale contre la corruption.
Une réponse aux critiques européennes
La France n’est pas devenue du jour au lendemain le chantre de l’anti-corruption. Elle est même alors mal placée pour donner des leçons. Si elle signe en 2000 la Convention de 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers, la France se classe derrière les pays nordiques, la Suisse, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Estonie ou la Belgique dans le classement Transparency International basé sur l’indice de perception de la corruption. En la matière, elle devance de peu l’Espagne, le Portugal mais se place loin devant l’Italie et les Pays de l’Est.
En 2012, elle est montrée du doigt par l’OCDE dans un rapport publié dans le cadre de la phase 3 du suivi de la mise en œuvre de la convention OCDE de lutte contre la corruption. L’organisation européenne déplore alors le peu de condamnations en France pour corruption transnationale.
Le groupe de travail enjoint à la France de :
- Poursuivre les réformes engagées pour garantir une plus grande indépendance du parquet.
- D’attribuer des moyens suffisants pour enquêter sur les affaires de corruption.
- De veiller à ce que les sociétés et leurs filiales ne puissent se soustraire à leur responsabilité pénale.
- De clarifier le droit existant en la matière.
- De favoriser les signalements au parquet de cas de corruption transnationale, suspectés par ses fonctionnaires.
Les ambitions de la loi Sapin 2
La loi Sapin 2, n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, se veut une réponse à ce contexte national, européen et mondial crispé. Elle affiche haut et fort l’engagement anticorruption de la France.
Elle s’articule autour de deux grandes ambitions :
- Agir contre la corruption, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds publics et privés et le blanchiment d’argent.
- Instaurer plus de transparence dans les processus de décisions publiques et économiques et combattre le favoritisme.
Le texte se décline en 169 mesures. Elles portent sur des domaines aussi variés que la corruption en entreprise, les lanceurs d’alerte ou le lobbying. La loi Sapin 2 se distingue des législations précédentes en engageant les acteurs économiques dans le combat contre la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds ou le favoritisme.
Les principales mesures de la loi Sapin 2
Agir contre la corruption
La prévention du trafic d’influence, de la concussion, de la prise illégale d’intérêt, du détournement de fonds publics et privés et du favoritisme est le volet majeur de la loi Sapin 2. Sa grande nouveauté : elle embarque les acteurs économiques dans la lutte contre la corruption.
Les entités françaises employant au moins cinq cents salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros se voient contraintes de déployer un programme interne anticorruption, encore appelé programme de mise en conformité loi Sapin 2. L’objectif est de prévenir, repérer et sanctionner dans l’entreprise tous faits de corruption et de trafic d’influence commis par les dirigeants, les salariés ou des tiers.
Le plan d’actions se décline en huit mesures piliers. Les entités doivent mettre en place une cartographie des risques de corruption, un code de conduite interne, une procédure d’alerte des comportements suspects, une évaluation de l’intégrité des tiers, un dispositif de contrôles, un dispositif de formation, un régime disciplinaire et un processus d’évaluation continue du programme anticorruption.
La mise en œuvre de ces obligations est contrôlée par l’Agence Française Anticorruption (AFA), instaurée par la loi Sapin 2. Celle-ci a le pouvoir de sanctionner tout manquement d’une organisation à ses obligations de lutte contre la corruption.
La loi Sapin 2 renforce aussi l’arsenal législatif français, en créant une nouvelle arme : la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Cet outil de justice transactionnelle vise à encourager la coopération des entités reconnues coupables de corruption. Elles peuvent éviter des procédures judiciaires longues et coûteuses en acceptant de payer une amende à l’État et/ou de mettre en œuvre un programme de mise en conformité loi Sapin 2 et/ou d’indemniser les victimes.
Renforcer la transparence
L’une des avancées majeures de la loi Sapin 2 est la protection des lanceurs d’alerte. Le texte définit clairement le statut de lanceur d’alerte dans son article 6. Il renforce sa protection et met en place une procédure confidentielle de recueil des alertes sécurisée, graduée et accompagnée, autour du Défenseur des droits.
Sur ce point, la loi Sapin 2 a été récemment amendée par la loi du 21 mars 2022 qui transpose et renforce la directive européenne du 23 octobre 2019.
Autre cheval de bataille de la loi Sapin 2 : le lobbying. Depuis 2017, les représentants d’intérêt de droit privé (entreprises, associations, syndicats,…) ont l’obligation de se recenser auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Chaque Français peut avoir accès au répertoire public des personnes morales agissant auprès de l’État et des élus nationaux pour influer sur une décision publique. Le texte précise également les règles déontologiques du lobbying exercé le sous contrôle de l’HATVP.
Quelles obligations?
En application de l’article 17, les acteurs privés et publics doivent déployer un programme de mise en conformité interne, par exemple via notre logiciel dédié à Sapin 2, qui se décline en huit mesures, encore appelées piliers :
- Une cartographie de leurs risques de corruption, élément central de la démarche
- Un code de conduite interne, intégré au règlement intérieur, définissant les types de comportements à proscrire
- Des formations de prévention pour les collaborateurs exposés au risque
- Une évaluation de l’intégrité des tiers, avant l’entrée en relation et tout au long de cette même relation
- Un dispositif d’alerte permettant de recenser les signalements et attitudes suspectes au regard de l’anti-corruption
- Des contrôles comptables et un dispositif de contrôle interne pour repérer d’éventuels faits de corruption ou de trafic d’influence
- Un régime disciplinaire détaillant les sanctions en cas de comportements contraires au code de conduite
- Une évaluation continue du dispositif pour mesurer son efficacité et l’adapter si nécessaire
Quelles sont les sanctions en cas de non-respect des obligations de la loi Sapin 2 ?
Le contrôle des obligations de la loi Sapin 2 est confié à l’Agence Française Anticorruption (AFA). Si l’Agence constate qu’une entité manque à ses obligations anticorruption, elle peut émettre des sanctions de trois niveaux :
- L’avertissement : c’est une première mise en garde adressée aux dirigeants.
- L’injonction : l’AFA peut exiger la mise en œuvre des mesures internes anticorruption, en s’appuyant sur les propositions et recommandations issues du contrôle. Le délai de mise en conformité est fixé par l’AFA et ne peut excéder trois ans.
- La sanction financière : l’AFA peut émettre une amende à l’encontre de la personne physique et/ou morale concernée. Son montant peut atteindre 200 000 euros pour une personne physique et 1 000 000 d’euros pour une personne morale.