L’AFA publie régulièrement des recommandations. Que retenir des dernières publications et éclairages apportés?
1. Un référentiel anticorruption français à l’ambition universelle
Alors que les recommandations de 2017 étaient « inspirées des meilleurs standards internationaux », cette référence est supprimée, l’AFA n’affiche plus la volonté de suivre les exemples anglo-saxons, ni de rattraper un éventuel retard sur la scène internationale. Elle souhaite au contraire servir de modèle aux opérateurs publics et privés du monde entier.
Les recommandations publiées notamment depuis 2021 s’adressent en effet à « toutes les personnes de droit privé et de droit public, de droit français ou de droit étranger, qui déploient leurs activités en France comme à l’étranger, quels que soient leur taille, leur forme sociale ou leur forme juridique, leur secteur ou domaine d’activité, leur budget ou leur chiffre d’affaires ou l’importance de leurs effectifs ».
2. La jurisprudence de la commission des sanctions
L’AFA insiste sur le fait que les recommandations sont dépourvues de force obligatoire et intègre les précisions apportées par la commission des sanctions sur deux points. D’une part, les recommandations sont opposables à l’AFA dans le cadre de ses missions. D’autre part, une organisation qui ne suivrait pas les recommandations ne pourrait être considérée a priori comme n’étant pas conforme. Néanmoins, en cas de contrôle de l’AFA, l’organisation aura la charge de démontrer qu’elle satisfait les exigences fixées par la loi.
3. Des exigences en matière d’implication personnelle des instances dirigeantes
Les dispositions générales mettent davantage en lumière la responsabilité personnelle des instances dirigeantes. Ainsi, l’instance dirigeante est « responsable personnellement de la conception, du déploiement et du contrôle du dispositif, même lorsqu’elle en confie la mise en œuvre à un collaborateur ». Cette responsabilité doit s’accompagner d’une implication personnelle de l’instance dirigeante dans la mise en œuvre du dispositif anticorruption : « L’instance dirigeante participe personnellement à la mise en œuvre opérationnelle de certaines mesures et procédures composant le dispositif anticorruption, à l’occasion, par exemple, de la validation de la cartographie des risques d’atteintes à la probité, de la prise de décision à l’issue de l’évaluation de certains tiers ou lorsqu’il s’agit de déterminer les sanctions à prononcer en cas de violation du code de conduite ou de faits susceptibles d’être qualifiés d’atteintes à la probité ».
Autre élément structurant, l’AFA s’adresse aux organes non exécutifs, tels que les conseils d’administration, et les exhorte à contrôler la mise en œuvre du dispositif anticorruption : « Lorsque l’instance dirigeante exerce ses fonctions sous le contrôle ou la surveillance d’un organe non exécutif, ce dernier veille à ce que les risques d’atteintes à la probité soient convenablement appréhendés par la mise en place d’un dispositif anticorruption adapté et efficace ».
4. Le rôle de la cartographie des risques explicité
Si les recommandations de 2017 accordaient une grande importance à la cartographie des risques de corruption, les recommandations qui ont suivi sont plus explicites sur le rôle joué par cette dernière. Ainsi, l’AFA précise que la cartographie des risques d’atteintes à la probité est « la pierre angulaire du dispositif anticorruption car c’est sur son fondement que sont définies les autres mesures de prévention des risques d’atteinte à la probité propres à chaque organisation ».
L’AFA insiste sur la nécessite d’associer à la cartographie des risques d’atteintes à la probité des plans d’actions afin de maîtriser les risques identifiés. L’objectif est dual : il ne s’agit pas seulement d’identifier et d’évaluer les risques d’une organisation mais également de « prendre des mesures et procédures adaptées et proportionnés afin de les maîtriser efficacement ». Il est ainsi rappelé que les risques doivent être « couverts par des plans d’actions de nature à en assurer la maîtrise ».
5. Une affirmation du caractère systémique des mesures de maîtrise des risques d’atteintes à la probité
L’AFA relie entre elles chacune des mesures visant à la maîtrise des risques d’atteintes à la probité et partant affirme « le caractère systémique du dispositif anticorruption ». Outil de maîtrise des risques, le code de conduite et ses politiques annexes doivent par exemple former « un ensemble cohérent, facilement accessible aux collaborateurs de l’organisation ».
De même, l’AFA rappelle que la formation destinée aux collaborateurs les plus exposés doit être adaptée aux risques auxquels ils sont exposés à raison de leur métier. Il en résulte que « L’identité des bénéficiaires, comme le contenu des formations, [doivent s’appuyer] sur la cartographie des risques ».
6. Des évolutions quant à l’évaluation des tiers
Par ailleurs, des évolutions sont à noter en matière d’évaluation des tiers : si l’AFA maintient une lecture extensive des tiers à évaluer, elle donne une liste indicative des catégories de tiers concernés. Aux clients, fournisseurs et intermédiaires, s’ajoutent les prestataires, les sous-traitants, les titulaires de marchés publics, les concessionnaires, les délégataires, les bénéficiaires de subventions, les cibles d’acquisition, les usagers, les partenaires, etc.
Notons que l’AFA confirme son approche par les risques et clarifie l’épineuse question de la discrimination des tiers à évaluer en proposant une méthodologie permettant d’adapter la nature et la profondeur des évaluations. Celles-ci pourront en effet être « prédéterminées en fonction des différents groupes homogènes de tiers c’est-à-dire présentant des profils de risques comparables tels que la cartographie des risques permet de les dresser. Ainsi, les groupes de tiers jugés pas ou peu risqués pourront ne pas faire l’objet d’une évaluation ou faire l’objet d’une évaluation simplifiée tandis que les groupes les plus risqués nécessiteront une évaluation approfondie ».
7. Un dispositif reposant sur 3 piliers indissociables et une fusion des piliers 5 et 8 source d’interrogations
Par ailleurs, alors que les recommandations de 2017 s’articulaient autour des 8 mesures et procédures de l’article 17 de la loi Sapin II, l’AFA distingue désormais 3 grands piliers indissociables : l’engagement de l’instance dirigeante, la connaissance des risques d’atteintes à la probité (dont la corruption) et la gestion de ces risques au moyen de mesures de prévention, de détection et de remédiation. Ces 3 piliers englobent, tout en les dépassant, les mesures de l’article 17 et structurent les référentiels applicables aux acteurs publics ou privés.
Plutôt que de maintenir une distinction franche entre les procédures de contrôles comptables (5° de l’article 17) et le dispositif de contrôle et d’évaluation interne (8° de l’article 17), l’AFA a fait le choix de regrouper ces deux mesures au sein d’un dispositif de contrôle global pour lequel elle applique trois niveaux de contrôle.
Au-delà de la confusion qu’il occasionne, ce rapprochement suscite des interrogations dans la mesure où les piliers 5 et 8 de la loi Sapin II poursuivent des finalités très distinctes. En effet, alors que les contrôles comptables ont vocation à prévenir et détecter les risques identifiés dans la cartographie des risques et peuvent être associés à des contrôles internes non comptables, les contrôles réalisés au titre du pilier 8 ont pour objet de s’assurer que le dispositif anticorruption est correctement mis en œuvre.
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