La mise en œuvre des obligations anticorruption est contrôlée par l’Agence Française Anticorruption (AFA). En cas de non respect à la loi Sapin 2, l’Agence dispose alors de 3 niveaux de sanctions : avertissement, injonction et amende financière.
Publiée le 9 décembre 2016, la loi Sapin 2 embarque les organisations dans la lutte contre la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds publics et le favoritisme. Si la loi Sapin 1 avait marqué en 1993 une première rupture avec d’anciennes pratiques douteuses, la nouvelle législation affiche une plus grande ambition : élargir le combat anticorruption au monde économique et à l’international.
En 2016, dans un contexte marqué par les scandales politico-financiers, l’attente des Français est grande en matière de transparence.
L’engagement des acteurs privés et publics dans la lutte contre la corruption se traduit par un certain nombre d’obligations assorties de sanctions. Décryptage.
Les obligations de la lutte contre la corruption
Concrètement, la loi Sapin 2 se décline en huit mesures anticorruption. Ces huit piliers doivent être déployés et coordonnés dans le cadre d’un dispositif interne dit de mise en conformité. Ces mesures visent quatre objectifs : identifier, repérer, contrôler, sanctionner.
Identifier les risques internes et externes de corruption
L’entité a l’obligation d’élaborer une cartographie des risques de corruption, détaillée et actualisée. Ce document recense tous les risques identifiés, par le prisme des processus de l’entreprise et dans tous les pays où la société développe son activité. Les risques doivent être classés et hiérarchisés et assortis d’éventuels plans d’actions.
La cartographie est obligatoirement complétée par l’évaluation de l’intégrité des tiers, qui consiste à analyser les risques que la société encourt du fait de ses relations extérieures avec ses clients, fournisseurs au rang desquels figurent toutes formes d’intermédiaires.
Repérer les comportements douteux
Repérer les comportements suspects exige de les connaître. C’est pourquoi la loi contraint les sociétés à intégrer à leur règlement intérieur un code de conduite.
Le code de conduite est adopté à l’issue d’une procédure formalisée, après consultation du Comité Social Économique (CSE). Pour être opposable au salarié, il doit être transmis à l’Inspection du Travail, déposé au greffe du Conseil de prud’hommes et porté à la connaissance des salariés.
En complément, l’entité a une obligation de formation des collaborateurs les plus exposés au risque de corruption.
Informés et formés, les salariés ont le devoir de signaler tout comportement suspect. Les sociétés ont l’obligation de mettre en place un dispositif interne de signalement afin de permettre la remontée d’information en toute confidentialité.
Contrôler
L’organisation doit mettre en place « des procédures de contrôles comptables et un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures et procédures composant le dispositif anticorruption ». Celui-ci doit permettre de couvrir les risques identifiés et formalisés dans la cartographie des risques de corruption de l’entreprise. L’AFA s’attardera à vérifier que ce dispositif est « est régulièrement mis à jour des situations de risques rencontrés et du résultat des contrôles réalisés ».
Sanctionner
Tout dispositif de prévention est assorti d’un volet répressif. Il en va de même pour la loi Sapin 2. Elle prévoit la possibilité pour l’entreprise de sanctionner interne pour condamner les fautes graves. L’entité doit définir une échelle de sanctions graduées et proportionnées. L’employeur conserve un pouvoir d’appréciation au cas par cas.
À noter : les salariés lanceurs d’alerte sont protégés par la législation. L’employeur ne peut prendre à leur encontre aucune mesure discriminatoire, répressive ou de licenciement.
Un arsenal de sanctions administratives et pénales anticorruption
Concernant les sanctions, il faut distinguer deux types de fautes : l’absence de mise en application d’un programme de mise en conformité anticorruption et les faits présumés ou avérés de corruption.
Les premières sont soumises à des sanctions administratives. Les secondes sont du ressort de la justice pénale. Leur point commun ? Elles engagent la responsabilité de l‘entité, mais aussi de ses dirigeants.
Les sanctions administratives pour non application de la loi Sapin 2
La mise en œuvre des obligations anticorruption est contrôlée par l’Agence Française Anticorruption (AFA). En cas de manquements constatés, l’Agence dispose de trois niveaux de sanctions. La décision est prise par la Commission des sanctions. Elle peut émettre :
- Un avertissement : il constitue une première mise en garde adressée aux dirigeants.
- Une injonction de mettre en place les mesures de mise en conformité dans un délai déterminé par l’AFA. Il ne peut être supérieur à trois ans.
- Une amende financière : son montant peut atteindre 200 000 euros pour une personne physique et 1 000 000 d’euros pour une personne morale.
Pour appuyer sa décision et renforcer le caractère répressif de la sanction, la Commission peut choisir de rendre publique sa décision.
Les sanctions peuvent être prononcées à l’égard de la personne morale mais aussi de la personne physique. L’article 17 de la loi Sapin 2 reconnaît les dirigeants comme responsables de la lutte contre la corruption au sein de l’organisation.
L’engagement de l’instance dirigeante est automatiquement évalué lors des contrôles. Un chapitre du questionnaire anticorruption est consacré à ce thème. L’instance dirigeante doit donner l’impulsion et garantir le déploiement de la politique anticorruption.
Les sanctions pénales pour faits de corruption
La corruption, qu’elle soit active ou passive, publique ou privée, est sévèrement sanctionnée par le Code pénal. Les personnes reconnues coupables de faits de corruption, en tant que corrupteur ou corrompu, encourent une peine maximale de dix ans d’emprisonnement et une amende pouvant s’élever jusqu’à un million d’euros. Les accusés peuvent également se voir sanctionnés d’une interdiction d’exercer une fonction publique ou l’activité professionnelle ou sociale concernée par l’infraction.
Les organisations peuvent aussi être poursuivies pénalement. Pour encourager la coopération, la loi Sapin 2 a introduit en France le principe de la justice transactionnelle. Elle autorise le Parquet à négocier une transaction avec les personnes morales soupçonnées de faits de corruption et/ou trafic d’influence. En échange de leur collaboration, les entités évitent les poursuites judiciaires. Elles n’échappent cependant pas à de lourdes sanctions administratives et financières : amende financière d’intérêt public pouvant atteindre jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires et/ou mise en place du programme de conformité sous le contrôle de l’AFA et/ou indemnisation des victimes.
Depuis la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, les délais de prescription des délits du droit pénal des affaires (corruption, escroquerie, abus de confiance,…) ont été allongés à six ans.
Si la loi Sapin 2 se veut avant tout préventive, elle intègre un volet répressif fort. Loin d’être un texte purement formel, elle engage la responsabilité civile et pénale des organisations et de leurs dirigeants. Avec cette législation contraignante, la France affirme devant l’opinion publique et les pays étrangers sa volonté de défendre un système économique, financier et politique transparent et favorable au développement commercial.
C’est quoi la loi Sapin 2 ?
La loi Sapin 2 est une loi publiée en 2016 portant sur la lutte contre la corruption, la transparence de la vie publique et la modernisation de la vie économique. Elle est constituée de 169 articles légiférant sur de nombreux thèmes comme le déploiement d’un dispositif anticorruption dans les entreprises, l’encadrement du lobbying, la protection des lanceurs d’alerte, l’encadrement des rémunérations des dirigeants d’entreprise ou encore le renforcement de la régulation financière des marchés. L’ambition de ce texte est de « proclamer une République exemplaire » selon les mots de son instigateur Michel Sapin.
Cette loi complète et renforce la loi Sapin 1 proclamée en 1993 et centrée sur certaines pratiques douteuses observées dans les comptes des partis politiques, l’attribution des marchés publics, les prestations de publicité, l’urbanisme commercial et les activités immobilières.
Quelles entreprises sont concernées par la loi Sapin 2 ?
La loi Sapin 2 s’applique aux sociétés et établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. Les présidents, directeurs généraux, gérants et membres du directoire de ces organisations voient leur responsabilité engagée.