L’heure tourne, rien ne se passe. Pour se faire bien voir d’un management tatillon ou pour ne pas passer pour des fainéants, de nombreux salariés restaient tardivement au bureau… sans rien faire. Cette pratique a longtemps fait partie intégrante de la culture de travail à la française, et se voit aujourd’hui remise en question, tant par la crise du coronavirus que par les salariés eux-mêmes.
Le présentéisme, un mal typiquement français
Chez nos voisins allemands, partir au delà des heures de travail est vu comme un signe de désorganisation. Au Canada, les bureaux se vident dès 17h – notamment pour permettre aux parents d’effectuer des activités extra-scolaires avec leurs enfants. En Australie, nul ne répond à ses e-mails après 18h. En France, tous les jours, des millions de personnes font preuve de présentéisme et restent au bureau jusqu’à 19h ou 20h. Et ce dans le seul but de montrer leur implication à leurs supérieurs directs… Sans rien faire d’autre que de végéter derrière un écran.
Tire au flanc, les français ? La caricature a fait long feu. Pourtant, d’après une étude Loudhouse pour Fellowes, 62 % des salariés vont au travail même lorsqu’ils sont malades. Ainsi, « C’est en partie pour lutter contre cette caricature du Français absentéiste que les gens veulent se montrer présents au bureau », expliquait le sociologue Denis Monneuse, auteur d’un ouvrage sur le surprésentéisme, dans les colonnes du Monde.
Les visages du présentéisme
Selon une étude du site de notation d’entreprises Glassdoor, 1 français sur 4 admet être resté sans être efficace au bureau, à la seule fin d’être bien vu. De même, 30% des français pensent qu’il est mal vu de partir du bureau avant 18h et… 28% des français se sentiraient tout aussi efficaces en ne travaillant que quatre jours sur cinq. Le présentéisme a donc plusieurs visages . Il y a le présentéisme flagorneur, qui joue les prolongations au bureau pour se faire bien voir de la hiérarchie. Existe également le présentéisme sanitaire, poussant les membres d’une équipe à venir au bureau malgré une grippe… Ou encore le présentéisme structurel, résultant d’un déséquilibre entre les missions attribuées à une personne et son temps de travail.
Pourquoi cette pratique nuit à l’entreprise
Paradoxalement, le présentéisme nuit d’abord à… Celui qui le pratique. Fatigue voire épuisement, diminution de la vie sociale, perte de sens. Les conséquences du présentéisme sont néfastes pour le salarié comme son entreprise. De même, si un salarié malade décide de venir au bureau malgré tout, il risque de contaminer tous ses collègues… Et de mettre en danger leur santé, tout en pénalisant toute l’équipe.
La crise sanitaire, coup d’arrêt au présentéisme ?
Une étude menée de concert par le Boston Consulting Group (BCG) et Cadremploi, menée auprès de 208.807 talents dans 190 pays, a révélé que la majeure partie des travailleurs rêvent d’un modèle hybride. Dans ce modèle idéal, présentiel et distanciel se mêlent. Ainsi, 78% des talents français interrogés dans le cadre de cette étude se sont prononcés en faveur de ce modèle. 63% d’entre eux ont déclaré préférer bénéficier d’un maximum de deux journées de télétravail par semaine. Autre point saillant de cette étude, l’intérêt renouvelé des talents français pour les sujets liés au RSE, traduisant un besoin de sens au travail… Et d’éthique en entreprise.
Mais la flexibilité si chèrement défendue par les salariés n’est pas au goût de tous les dirigeants d’entreprise – loin de là. Un article paru dans Les Echos au mois d’avril rapportait que, selon le dernier baromètre des dirigeants réalisé par l’institut Viavoice pour L’Exploratoire Sopra Steria Next, « Les Echos » et Radio classique, l’attitude des chefs d’entreprise vis-à-vis du télétravail est très corrélée à la taille de l’entreprise.
Ainsi, si dans l’ensemble, 71 % des dirigeants interrogés déclarent ne pas vouloir pérenniser le télétravail, 77% des chefs d’entreprise de 20 à 99 personnes se prononcent contre le télétravail généralisé, quand 80% des patrons d’entreprises de plus de 1.000 salariés se prononcent en sa faveur. La pandémie sera-t-elle un événement suffisant pour mettre fin à la culture française du présentéisme, et permettre l’avènement d’un meilleur équilibre pour les travailleurs hexagonaux ?