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Comprendre et prévenir les conflits d’intérêts
Historiquement rattachée à la sphère publique, la notion de conflits d’intérêts concerne tous les acteurs, publics et privés. Quelle que soit leur activité, toutes les organisations sont susceptibles de souffrir des conséquences graves d’un conflit d’intérêts. En nuisant à la réputation et à la confiance des parties prenantes, celui-ci menace l’équilibre budgétaire et la pérennité de l’entreprise, la collectivité ou l’administration.
Prévenir les conflits d’intérêts est un des piliers incontournables d’une politique performante de gestion des risques et de lutte contre la corruption. Values Associates vous livre les clés pour tout comprendre et mettre en place les bonnes pratiques.
Conséquences et enjeux des conflits d’intérêts
Un conflit d’intérêts représente un risque majeur pour l’entreprise, la collectivité ou l’administration. Ses conséquences – financières, économiques, commerciales ou réputationnelles – sont lourdes, avec des répercussions à long terme difficiles à réparer.
Pourquoi les conflits d’intérêts sont un risque majeur pour les organisations ?
➡️ Les conséquences économiques et budgétaires du conflit d’intérêts
Une décision guidée par l’intérêt personnel est rarement la plus optimale pour l’entreprise, la collectivité ou l’administration. Un fournisseur sélectionné pour raisons personnelles peut être plus cher qu’un concurrent ou proposer une moins bonne qualité de service.
De même, un salarié ou un agent recruté pour ses liens familiaux peut manquer des compétences nécessaires au poste.
Ainsi, un choix fondé sur des critères subjectifs peut compromettre un projet, altérer les résultats financiers de l’organisation, déséquilibrer son budget, voire menacer sa compétitivité et sa performance.
➡️ Les conséquences économiques et budgétaires du conflit d’intérêts
Le conflit d’intérêts n’est pas une infraction pénale. Mais il est à l’origine de délits pénaux, sévèrement punis par la loi. Les sanctions financières mettent en péril l’équilibre budgétaire de l’entreprise, la collectivité ou l’administration.
Pour exemple, toute personne reconnue coupable d’un délit de corruption privée encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende. Dans le secteur public, la peine est doublée. Et pour les personnes morales, le montant de l’amende est quintuplé ! Les autres délits sont aussi sanctionnés par des amendes sévères.
Dans le secteur public, la prise illégale d’intérêts est punie de cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende et le délit de favoritisme de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende.
L’impact sur la confiance dans les organisations publiques et privées
Un conflit d’intérêts avéré, assorti de poursuites judiciaires, nuit à l’image et à la réputation de l’entreprise, la collectivité ou l’administration.
En questionnant la transparence et la probité de l’organisation, le conflit d’intérêts rompt le lien de confiance avec les parties prenantes (partenaires, investisseurs, agents publics, salariés, clients, usagers, administrés, fournisseurs…). Facile à perdre mais longue à regagner, la confiance est un socle dont la perte met en péril l’organisation. Le risque économique est réel avec des baisses de ventes, des ruptures de partenariats ou des désengagements financiers.
Dans la sphère publique, le conflit d’intérêts menace la confiance fragile des citoyens dans les institutions, affectant la légitimité et l’efficacité des politiques publiques.
Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêts ?
La définition légale du conflit d’intérêts en France est récente. Elle date de 2013 et concerne en premier la sphère publique, aux règles éthiques et déontologiques réglementées.
Définition du conflit d’intérêts
Les éléments constitutifs d’un conflit d’intérêts
L’OCDE pose dès 2006 une définition du conflit d’intérêts dans la sphère publique. En France, il faut attendre 2013 et la loi relative à la transparence de la vie publique pour définir le conflit d’intérêts.
Selon l’article 2, « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
Cette définition peut être étendue aux entreprises. Concrètement, le conflit d’intérêts existe dès lors que l’intérêt personnel d’un dirigeant, un administrateur, un élu ou un collaborateur se heurte à l’intérêt de l’organisation, parasitant l’exercice de sa mission professionnelle et compromettant sa capacité à agir et décider de manière impartiale, objective et indépendante.
Qu’est-ce que l’intérêt personnel ?
La notion d’intérêt personnel est large. Il peut être direct ou indirect, et offrir un avantage à la personne ou à un membre de son entourage proche. Il peut être matériel ou moral, lié à la possession de capitaux matériels ou financiers, ou lié à d’autres activités professionnelles ou bénévoles.
Le conflit d’intérêts peut prendre plusieurs formes punies par la loi, comme la prise illégale d’intérêts, le pantouflage, le délit de favoritisme ou le trafic d’influence.
Loyauté et éthique, les fondements du conflit d’intérêts
Si le conflit d’intérêts est né juridiquement dans la sphère publique, ce n’est pas sans raisons. Il trouve sa source dans la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Ces principes sont réaffirmés en 2016 par la loi relative à la déontologie des fonctionnaires.
Ces lois posent les principes déontologiques fondateurs de la fonction publique, dont la probité, la neutralité, l’impartialité et l’égalité de tous devant le service public. Au service de l’intérêt général, les agents publics ont un devoir éthique d’exemplarité et de loyauté.
Si les principes de loyauté et d’éthique ne sont pas énoncés explicitement dans la loi pour le secteur privé, ils sont rappelés dans les codes de déontologie. Rattaché à une profession ou à une entreprise, le code de déontologie décrit les droits, les devoirs et les comportements éthiques à adopter dans les activités professionnelles. C’est aussi l’objet du code de conduite interne. Outil de lutte contre la corruption, ses prescriptions peuvent être élargies aux conflits d’intérêts.
Les principaux secteurs touchés par les conflits d’intérêts
Proche des administrés, des usagers et des entreprises, la fonction publique est particulièrement vulnérable aux conflits d’intérêts. Si elles ne manient pas d’argent public, les entreprises n’en sont pas moins sensibles.
Les risques de conflits d’intérêts dans la fonction publique
Dans la fonction publique, de nombreux élus et agents sont concernés par le risque de conflits d’intérêts. Les activités les plus propices aux conflits d’intérêts sont :
- Les fonctions visant à attribuer des avantages sociaux à un tiers (places en crèches, logements HLM, agréments, recrutement,…).
- Les fonctions visant à attribuer de l’argent public à un tiers (subventions publiques, politique parrainage et mécénat,…).
- Les fonctions d’inspection et de contrôle.
- Les fonctions liées aux achats et aux marchés publics.
Les risques de conflits d’intérêts dans le secteur privé
D’un point de vue très opérationnel, deux fonctions sont particulièrement vulnérables aux conflits d’intérêt : l’achat de biens et de services et le recrutement. Tout lien personnel peut menacer la neutralité et l’équité des processus, souvent moins encadrés que dans la fonction publique.
La politique parrainage et mécénat ouvre aussi une brèche au conflit d’intérêts. C’est le cas par exemple si un entrepreneur est tenté de parrainer l’équipe de football local dans laquelle joue son fils, au détriment d’autres équipes ayant sollicité l’entreprise.
La fonction stratégique et financière est aussi très sensible au conflit d’intérêts. Des intérêts personnels peuvent guider des décisions d’investissements, de rachats d’entreprises, de prise d’actions dans d’autres sociétés ou de fusions-acquisitions.
Les signes avant-coureurs d’un conflit d’intérêts
Pour éviter les graves conséquences du conflit d’intérêts, l’organisation doit toujours rester vigilante. Le défi ? Repérer les conflits d’intérêts potentiels et apparents avant qu’ils ne deviennent réels.
Comment identifier un conflit d’intérêts ?
Plusieurs situations alertent sur un possible conflit d’intérêts :
- ➡️ Une prise de décision opaque, sans justification claire et basée sur des critères douteux.
- ➡️ L’existence d’une relation personnelle ou financière entre un élu, un dirigeant, un administrateur ou un collaborateur et un partenaire de l’organisation (partenaire commercial, partenaire financier, fournisseur…)
- ➡️ L’absence de séparation manifeste entre les intérêts personnels et professionnels, par exemple si un individu utilise des ressources de l’entreprise, la collectivité ou l’administration pour ses activités personnelles.
Les erreurs fréquentes à éviter
L’erreur la plus fréquente est de fermer les yeux sur les conflits d’intérêts apparents et potentiels. Non avérés dans l’immédiat, ces conflits d’intérêts peuvent être considérés comme secondaires par l’organisation. Pourtant, aucun risque ne doit être négligé. À l’heure des réseaux sociaux, tout conflit d’intérêts peut rapidement nuire à la réputation de l’entreprise, la collectivité ou l’administration.
D’autres erreurs et négligences favorisent les conflits d’intérêts, comme :
- ➡️ Favoriser l’opacité de la prise de décision en la déléguant à un unique collaborateur, sans contrôle hiérarchique ni exigence de justification.
- ➡️ Tolérer l’imbrication des activités professionnelles et personnelles, en laissant un salarié ou un agent user des ressources de l’organisation à titre privé.
- ➡️ Rester souple sur la déclaration des intérêts personnels, particulièrement pour les fonctions identifiées comme sensibles.
La réglementation autour des conflits d’intérêts
Deux grandes lois régissent le conflit d’intérêts dans la fonction publique. Le secteur privé est pauvre en la matière, avec quelques textes ciblés sur des activités et professions spécifiques.
Le cadre légal général du conflit d’intérêts
La loi de 2013 sur la transparence de la vie publique
Centrée sur les hauts responsables et fonctionnaires publics, la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique :
- Rend obligatoire la déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
- Impose aux élus locaux et membres du gouvernement et des autorités administratives indépendantes de se retirer de toutes décisions dans lesquelles leur impartialité peut être mise en doute.
- Élargit aux élus l’interdiction faite aux agents publics d’exercer une activité professionnelle dans une entreprise ou un cabinet de conseil avec lequel ils entretenaient des liens étroits dans le cadre de leurs fonctions.
La loi de 2016 sur la déontologie dans la fonction publique
La loi de déontologie du 20 avril 2016 cible les agents publics. Elle :
- Rappelle les droits et obligations de neutralité, impartialité, probité et laïcité.
- Étend l’obligation de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale aux agents les plus exposés.
- Oblige les agents publics à prévenir et faire cesser toute situation de conflit d’intérêts, avec la création en parallèle d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte.
Le cadre légal dans le secteur privé
Il n’existe pas de loi globale régissant le conflit d’intérêts dans les entreprises.
Cependant, certains textes de loi ou du Code de commerce prévoient des procédures des prévention et de gestion des conflits d’intérêts, ciblées sur des activités, des professions ou des fonctions sensibles (santé, pharmacie, commissaires aux comptes, avocats, agents immobiliers,…)
Focus sur la loi Sapin 2
Entrée en vigueur en 2017, la loi Sapin 2 vise à lutter contre la corruption dans les entreprises et établissements publics. Bien que le conflit d’intérêts ne soit pas son objet principal, la loi Sapin 2 le traite en filigrane. Le conflit d’intérêts fait en effet naître un risque de corruption. On ne peut agir efficacement sur l’un sans agir sur l’autre.
La loi Sapin 2 est l’opportunité de formaliser une politique de prévention et de gestion des conflits d’intérêts. Ces derniers peuvent être facilement inclus dans les outils imposés par la loi Sapin 2, dont la cartographie des risques, le code de conduite interne, la procédure d’alerte, l’évaluation des tiers ou la définition d’un régime de sanctions.
Comment prévenir et gérer les conflits d’intérêts dans l’organisation ?
Prévenir et gérer les conflits d’intérêts est difficile, tant les situations sont nombreuses et variées. Toute personne entretient des liens avec l’extérieur, que ce soit des liens familiaux, amicaux, professionnels ou associatifs. Pour être efficaces, la prévention et la gestion des conflits d’intérêts exigent des processus clairs et transparents, que peuvent sécuriser les outils numériques.
Bonnes pratiques pour les entreprises et les administrations
La prévention et la gestion des conflits d’intérêts s’articule avec les autres politiques internes de gestion des risques (politique de lutte contre la corruption, politique cadeaux et invitations, politique parrainage et mécénat…). Une politique efficace respecte plusieurs étapes : :
Détecter les situations à risques :
Cela exige de repérer les fonctions et processus les plus sensibles et d’instaurer un climat favorable à la déclaration des conflits d’intérêts. L’organisation peut inclure l’identification des conflits d’intérêts aux outils de la gestion des risques, comme la cartographie des risques et l’évaluation des risques tiers.
Sensibiliser et former
Sensibiliser et former les élus, dirigeants, administrateurs et collaborateurs, notamment ceux exerçant des fonctions sensibles.
Mettre en place une politique interne
Définir et mettre en place une politique interne de gestion des conflits d’intérêts : les mesures de prévention et de remédiation peuvent inclure l’obligation de déclaration des intérêts personnels et de la situation patrimoniale (ciblée sur les fonctions les plus sensibles ou élargie à tous), l’encadrement des décisions (contrôle hiérarchique, décision collective), l’auto-déclaration, le retrait automatique d’une procédure d’un collaborateur concerné par un intérêt personnel, la nomination d’un référent déontologie, etc.
Un régime de sanctions disciplinaires
Définir un régime de sanctions disciplinaires claires et proportionnées à la faute.
Les outils numériques pour gérer les risques
La diversité et le nombre des risques de conflits d’intérêts complexifient leur prévention et leur gestion par l’entreprise, la collectivité ou l’organisation.
Le recours à des outils numériques simplifie, facilite et sécurise les procédures. Par exemple, à partir des données saisies, les logiciels peuvent analyser les relations entre les parties prenantes, détecter les conflits potentiels et alerter les responsables avant qu’une situation ne dégénère.
L’outil numérique peut aussi héberger et sécuriser le registre des conflits d’intérêts. Il simplifie la déclaration d’intérêts, via un formulaire en ligne aux champs personnalisés (liste des activités professionnelles et bénévoles passées et en cours, profession du conjoint, intérêts financiers,…) Il protège les données personnelles dans le respect du RGPD.
L’utilisation d’un logiciel dédié à la gestion des conflits d’intérêts facilite enfin la remontée des données via l’auto-déclaration. En quelques minutes, les élus, dirigeants, administrateurs et collaborateurs peuvent répondre à une liste de questions et évaluer le risque de conflit d’intérêts d’une situation (« Est-ce que je suis, ou une personne de mon entourage, susceptible de tirer profit d’une de mes décisions ou actions ? », « Ai-je actuellement ou par le passé eu des relations personnelles ou professionnelles avec une des parties ? », etc.)
Les conflits d’intérêts sont un risque majeur pour les organisations publiques et privées. Ils affectent la réputation, détruisent la confiance, altèrent les finances. En privilégiant l’intérêt personnel, ils nuisent à l’intérêt collectif et menacent la pérennité de l’organisation. Une gestion proactive des conflits d’intérêts, basée sur des processus clairs, un programme de sensibilisation et de formation affirmé et des outils digitaux performants, est la clé pour garantir des décisions transparentes et intègres et protéger l’intérêt de l’entreprise, la collectivité ou l’administration.